POEMES du MOYEN-AGE
http://www.youtube.com/user/LuceBrera
EN la FOREST de LONGUE ATTENTE de Marie de CLÈVES
(1426-1487)
En la forest de Longue Attente Entrée suis en une sente Dont oster je ne puis mon cueur, Pour quoy je vis en grant langueur, Par Fortune qui me tourmente. Souvent Espoir chacun contente, Excepté moy, povre dolente, Qui nuit et jour suis en douleur En la forest de Longue Attente. Ay je dont tort, se je garmente* Plus que nulle qui soit vivante ? Par Dieu, nannil, veu mon malheur, Car ainsi m'aid mon Createur Qu'il n'est peine que je ne sente En la forest de Longue Attente. (*) je me lamente
OU MON DESIR M ' ASSOUVIRA d ' Alain CHARTIER
(1385-1433)
Ou mon desir m'assouvira, Ou ma tristesse m'occira Pour vous, belle, prouchainement, Se mon cueur quiert l'alegement Du mal que pour vous servir a. Ung de ces deux me suffira, N'espoir plus ne me mentira, Si j'ay de parler hardement, Ou mon desir m'assouvira. Tout bien ou tout mal m'en ira, Car quant vostre bouche dira Oy ou nenny, tout seulement, Elle asserra le jugement Dont mon dueil o* moy finera Ou mon desir m'assouvira.
Charles d' ORLEANS (1394-1465)
LAS! MORT QUI T'AS FAIT SI HARDIE
Las ! Mort, qui t'a fait si hardie
Las ! Mort, qui t'a fait si hardie
De prendre la noble Princesse
Qui était mon confort, ma vie,
on bien, mon plaisir, ma richesse !
Puisque tu as pris ma maîtresse,
Prends-moi aussi son serviteur,
Car j'aime mieux prochainement
ourir que languir en tourment,
En peine, souci et douleur !
Las ! de tous biens était garnie
Et en droite fleur de jeunesse !
Je prie à Dieu qu'il te maudie,
Fausse Mort, pleine de rudesse !
Si prise l'eusses en vieillesse,
Ce ne fût pas si grand rigueur ;
ais prise l'as hâtivement,
Et m'as laissé piteusement
En peine, souci et douleur !
Las ! je suis seul, sans compagnie !
Adieu ma Dame, ma liesse !
Or est notre amour departie,
Non pourtant, je vous fais promesse
Que de prières, à largesse,
orte vous servirai de coeur,
Sans oublier aucunement;
Et vous regretterai souvent
En peine, souci et douleur.
Dieu, sur tout souverain Seigneur,
Ordonnez, par grâce et douceur,
De l'âme d'elle, tellement
Qu'elle ne soit pas longuement
En peine, souci et douleur !
OTHON de GRANDSON
(† Bourg-en-Bresse, 7 août 1397), seigneur vaudois, homme de guerre, conseiller du comte de Savoie et poète
Ballade, XIVe siècle
La Grant Beaulté De Vo Viaire ClerLa grant beaulté de vo viaire cler
Et la doulseur dont vous estez paree
Me fait de vous si fort enamourer,
Chiere dame, qu’avoir ne puis duree.
A toute heurë est en vous ma pensee.
Desir m’asault durement par rigour.
Et se par vous ne m’est grace donnee,
En languissant defineront my jour.
Allegement ne pourroye trouver
Du mal que j’ay par creature nee,
Se par vous non, en qui veul affermer
Entierement mon cuer, sans dessevree.
Il est vostre, longtemps vous ay amee
Celeement, sans en faire clamour.
Et, se l’amour de vous m’est reffusee
En languissant defineront my jour.
Si vous suppli humblement que passer
Ma requeste vueillez, s’il vous agree.
Assez pouez congnoistre mon penser
Par ma chanson, qui balade est nommee.
Plus ne vous dy, belle tresdesiree,
Demonstrez moy, s’il vous plaist, vo doulsour,
Car autrement soiez acertainnee
En languissant defineront my jour.
Version modernisée:
La grand beauté de vo viaire clair
Et la douceur dont vous êtes parée
Me fait de vous si fort énamouré,
Chère dame, qu’avoir ne puis durée.
À toute heure est en vous ma pensée.
Désir m’assaut durement par rigueur.
Et si par vous ne m’est grâce donnée,
En languissant définiront mes jours.
Allégement ne pourraie trouver
Du mal que j’ai par créature née,
Si par vous non, en qui veut affermer
Entièrement mon cœur, sans dessevrée.
Il est vôtre, longtemps vous ai aimée
Céléement, sans en faire clameur.
Et si l’amour de vous m’est refusée
En languissant définiront mes jours.
Ci vous supplie humblement que passer
Ma requête veuillez, s’il vous agrée.
Assez pouvez connaître mon penser
Par ma chanson, qui ballade est nommée.
Plus ne vous dis, belle très désirée,
Démontrez-moi, s’il vous plaît, vo douceur,
Car autrement soyez acertainée,
En languissant définiront mes jours.
S’ Il Ne Vous Plaist Que J’Aye Mieulx
Rondeau, XIVe siècle
Version originale
S’il ne vous plaist que j’aye mieulx,
Je prendray en gré ma tristesse.
Mais, par Dieu, ma plaisant maistresse,
J’amasse plus estre joyeux !
De vous suy si fort amoureux
Que mon cuer de crier ne cesse.
S’il ne vous plaist que j’aye mieulx,
Je prendray en gré ma tristesse.
Bele, tournez vers moy voz yeulx
Et veez en quele tristesse
J’use mon temps et ma jeunesse
Et puis faites de moy vos jeux,
S’il ne vous plaist que j’aye mieulx.
Othon de Grandson — S’il ne vous plaît que j’aille mieux
Rondeau, XIVe siècle
Orthographe modernisée
S’il ne vous plaît que j’aille mieux,
Je prendrai en gré ma tristesse.
Mais, par Dieu, ma plaisante maîtresse,
J’aimerais mieux être joyeux !
De vous suis si fort amoureux
Que mon cœur de crier ne cesse.
S’il ne vous plaît que j’aille mieux,
Je prendrai en gré ma détresse.
Belle, tournez vers moi vos yeux
Et voyez en quelle tristesse
J’use mon temps et ma jeunesse
Et puis faites de moi vos jeux,
S’il ne vous plaît que j’aille mieux.
http://www.youtube.com/user/LuceBrera